Grand A le mag - 4 : Décembre 2020

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Gilles Debizet et Frédéric Wurtz
Gilles Debizet et Frédéric Wurtz

Énergie, ville et territoire

Gilles Debizet et Frédéric Wurtz

Recherches et publications menées dans le cadre du CDP Eco-sesa Smart Energies in Districts de l’Université Grenoble Alpes


Relevant le défi du changement climatique, les énergies renouvelables remettent en cause le fonctionnement historique – centralisé et unidirectionnel – des réseaux et le rapport des individus et de la société à l’énergie. Partant d’observations à l’échelle du bâtiment et du quartier, le programme transdisciplinaire Eco-SESA financé par l’Idex de l’Université Grenoble Alpes1 produit des connaissances, des concepts, des outils et des méthodes permettant de repenser la planification, la gestion et la gouvernance des systèmes énergétiques notamment dans des perspectives urbaines et territoriales.


Observer et modéliser les interactions

Les recherches en relation avec l’urbanisme et l’aménagement ont porté sur les pratiques des occupants de bâtimenti, les interactions sociales et énergétiques entre bâtiments et les réseaux à l’échelle du quartier, et les outils d’aide à la conception de systèmes énergétiques mobilisant in situ des énergies renouvelables. La Presqu’ile de Grenoble a été un terrain d’observation et de modélisation de récupération de chaleur d’un site électro-intensif (Laboratoire national des champs magnétiques intenses - LNCMI) pour chauffer des bâtiments alentour et d’une représentation expérimentale novatrice - le transect urbainii - qui consiste à représenter bâtiments, réseaux et espace publics via une coupe verticale du ciel au sous-sol.


Quels liens entre énergie et territoire ?

Au-delà de Grenoble, une enquête fine a porté sur des projets de partage local ou communautaire d’énergie situés en France et en Suisse. Elle a permis de tirer plusieurs enseignements sur les liens entre énergie et territoire. L’engouement pour la capture/mobilisation d’énergie renouvelable in situ (principalement solaire et géothermie) dans les zones habitées rassemble une grande diversité d’acteurs.

  • À l’échelle du bâtiment, les projets – portés par des coopératives d’habitants, des bailleurs sociaux et des investisseurs/développeurs d’EnR – visent une relative autonomie énergétique en englobant les besoins thermique et électrique ; les règles de partage de l’électricité autoproduite diffèrent selon la dimension collective des locaux et les usages de l’énergieiii.

  • À l’échelle d’un quartier ou d’une commune, les projets – portés par la commune, le syndicat départemental d’énergie ou l’aménageur – sont motivés par l’idée de « consommer local ». Ils requièrent une longue et incertaine phase d’études qui consiste à définir, par itération et conjointement, l’installation de capture des EnR, le périmètre des bénéficiaires et les relations contractuelles entre le(s) producteur(s) et les consommateurs ; dans le cas de nouveaux quartiers, l’articulation avec le projet urbain s’ajoute et rend le montage d’ensemble particulièrement fragileiv et pas seulement pour des raisons économiques.

  • À l’échelle d’une métropole ou d’une région, les intercommunalités récupèrent le méthane des déchets qu’elles traitent et soutiennent des chaufferies bois voire les développent elles-mêmes via leur réseau de chaleur urbainv : elles s’efforcent parallèlement de structurer la récolte du bois de forêt, tandis que des industriels produisent des granulés de bois que des distributeurs historiques plus ou moins régionaux vendent à des particuliers.


Quels besoins d’outils ?

Si le principe de commun énergétique local fédèrevi, il peine encore à trouver un modèle économique et des formes de contractualisation stables face à une organisation générale de l’électricité et du gaz basée sur une logique de marché neutralisant la distance entre les lieux de production et de consommation. Cela évoluera même si les directions apparaissent aujourd’hui encore incertaines. Quoi qu’il en soit, il y a un besoin d’outils d’aide à la planification énergétique territorialisée et à la conception et la gestion de ces énergies de proximitévii.


C’est ce à quoi s’attèle la plate-forme Omegalpesviii. Elle met à disposition de tous une variété de blocs numériques modélisant des équipements de production d’énergie renouvelable, des consommations-types de bâtiments, des cycles météorologiques-types et une variété de « modeleurs » qui permettent de simuler les échanges d’énergie entre ces blocs et par là-même, d’évaluer les impacts en termes de coût-bénéfice, d’autoconsommation et de bilan carbone des systèmes énergétiquesix. Des développements en cours visent à élaborer des méthodes d’aide à la décision multi-acteurs aux différentes phases d’un projet énergétique renouvelable reliant producteurs et consommateurs à l’échelle d’un immeuble, d’un quartier ou d’un village, qu’il s’agisse d’autoconsommation individuelle ou collective ou de valorisation d’énergies thermiques fatalesx. La collaboration entre les sciences humaines et sociales et les sciences de l’ingénieur porte sur la caractérisation des processus de décision/conception et le repérage des logiques des différents acteurs. Leurs objectifs et leurs contraintes ont pu être modélisés et intégrés dans la simulation d’assemblage de solutions de production et de partage d’énergie renouvelablexi.


Partager les objectifs, croiser les savoirs et les disciplines

Quel est l’intérêt de développer ces différents modules et de les réunir dans une plate-forme open source ? Dans les faits, très peu de projets motivés par l’idée de commun énergétique locale dépassent le stade des pré-études. En effet, chaque projet nécessite généralement un accord entre plusieurs partenaires : le propriétaire ou le maître d’ouvrage immobilier, le gestionnaire de réseau, l’autorité locale en charge de la voirie ou de l’urbanisme, un producteur d’énergie renouvelable et/ou un ensemble de consommateurs. Lorsque l’on intègre l’ensemble des contraintes annoncées par ces acteurs, il n’existe pas de solution satisfaisante. Il importe donc que quelques contraintes soient levées tout en veillant à ce que les objectifs - tels que consommer local et bas carbone - que partagent les acteurs continuent d’être respectésxii.


En mettant les résultats des analyses sociologiques et la plate-forme Omegalpes à disposition de tous les acteurs, l’Université Grenoble Alpes contribue au renouvellement de savoirs, d’outils et de compétences qui boosteront la transition écologique. Pour aller plus loin, l’université porte un projet de plate-forme pluridisciplinaire des données énergétiques pour la recherche et l’innovation : en ligne de mire, un observatoire des pratiques énergétiques qui associerait des partenaires des territoires.


iPappalardo, Marta, and Thomas Reverdy. 2020. 'Explaining the Performance Gap in a French Energy Efficient Building: Persistent Misalignment between Building Design, Space Occupancy and Operation Practices'. Energy Research & Social Science 70 (December): 101809. https://doi.org/10.1016/j.erss.2020.101809


iiLaroche S., Tixier N., L’eau dans les paysages de l’énergie. Le cas de la presqu’île de Grenoble, in Projets de paysage : revue scientifique sur la conception et l'aménagement de l'espace, École nationale supérieure du paysage de Versailles, 2019. (https://journals.openedition.org/paysage/680)


iiiPappalardo, Marta, and Gilles Debizet. 2020. 'Understanding the Governance of Innovative Energy Sharing in Multi-Dwelling Buildings through a Spatial Analysis of Consumption Practices'. Global Transitions 2 (January): 221–29. https://doi.org/10.1016/j.glt.2020.09.001


ivRamirez-Cobo Ines, Tribout Silvere, Gilles Debizet, 2021 (à paraître), Territoires d’énergie, territoires à projet. Articulation et dépendances entre conception urbaine et énergétique, Espaces et sociétés, https://www.editions-eres.com/collection/145/espaces-et-societes

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