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Nicolas Douay et Pierre-Jean Pillonnet Nicolas Douay, Professeur des Universités et Pierre-Jean Pillonnet, Université Gustave Eiffel
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Les sphères d’influences des marques et modèles de développement territorial de la région grenobloise

Les sphères d’influences des marques et modèles de développement territorial de la région grenobloise

Source : Douay N., Pillonnet PJ., 2020

Retour En avant

Grenoble Alpes, nouvelle marque territoriale

L’inévitable couple Montagne / Innovations technologiques comme réponse au Grenoble bashing ?

Des représentations superposées


Onzième aire urbaine française la plus peuplée, Grenoble dispose de représentations singulières avec trois images différentes qui correspondent à autant de modèles de développement : la montagne et le sport symbolisés par l’organisation des jeux d’hiver de 1968 ; la technologie et l’innovation symbolisées par la présence d’un milieu scientifique reconnu, avec l’Université et le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) mais aussi de nombreuses entreprises technologiques ; l’innovation sociale et urbaine marquée par la succession de différents maires qui ont été moteurs d’expérimentation de politiques urbaines.


Une image en déclin ?


La métropole connaît une exposition médiatique importante lors de l’organisation des Jeux olympiques de 1968. Depuis cet âge d’or qui correspond à un fort développement, elle apparaît comme un laboratoire de modernité urbaine. Toutefois, à partir des années 1980, elle est rattrapée par d’autres territoires qui apparaissent comme plus dynamiques : viennent le temps de “Montpellier, la surdouée” puis de “Lille, la ville des années 1990” ou encore de “OnlyLyon” à partir de 2007. Ces dernières décennies, Grenoble souffre également d’une réputation marquée par l’insécurité, les embouteillages et la pollution, parfois imputée à du « Grenoble bashing ».

La constitution de la métropole en 2015 correspond à une étape importante dans la structuration du territoire avec une intercommunalité qui voit son territoire et ses compétences s’élargir. Après une première période de définition des grands objectifs stratégiques de la métropole, celle-ci décide de créer sa marque territoriale “Grenoble Alpes” en 2019 et rejoint donc la longue liste des territoires engagés dans des démarches de marketing territorial.


Des valeurs (re)fondatrices


Quatre valeurs ont été choisies pour incarner le territoire et ses habitants : le progrès, le bien vivre, le courage et l’ouverture. Ces valeurs, intimement liées aux montagnes qui entourent la ville, sont censées définir un “esprit pionnier” qui serait propre au territoire et à ses habitants mais qui peine à couvrir la diversité des acteurs et des dynamiques de développement du territoire.


Composition du logo de la marque territoriale Source : site officiel Grenoble Alpes, 2019


Grenoble Alpes, un discours marqué par l’innovation


Malgré la mise en avant de quelques éléments montagnards, sportifs et culturels, la marque grenobloise centre sa stratégie de communication sur la recherche et la technologie. Grenoble se positionne comme un territoire à la pointe de l’innovation scientifique et technologique, qui accueille une proportion importante de chercheurs, d’ingénieurs et plus largement de cols blancs. Cette démarche d'attractivité territoriale se focalise donc sur le rayonnement scientifique de la région et sa capacité à attirer de nouveaux talents et de nouvelles entreprises. Ainsi, les affiches publicitaires sont toutes orientées pour attirer une population extérieure au territoire, avec des chiffres clés valorisants (5e ville plus innovante du monde, 500 start-ups créées depuis 2000, etc.).


Campagnes publicitaires pour promouvoir Grenoble Alpes Source : site officiel Grenoble Alpes, 2019


Grenoble Alpes face à la coexistence d’autres initiatives et labels sur le territoire


Au-delà de l’innovation, les autres atouts du territoire sont peu mentionnés et représentés dans les initiatives de Grenoble Alpes. Le programme GREAT et la candidature au titre de capitale verte européenne s’inscrivent justement dans cette logique de valorisation des atouts alternatifs du territoire. Ces deux projets participent à l’évolution de l’image grenobloise au-delà des sciences et de la technologie, afin de l’orienter vers des domaines où Grenoble excelle, comme les innovations urbaines, sociales et environnementales. À l’échelle départementale, le label Alpes IsHere valorise quant à lui une image différente du territoire grenoblois et de l’Isère, une vision centrée sur le tourisme, la nature et les produits du terroir.


Les sphères d’influences des marques et modèles de développement territorial de la région grenobloise Source : Douay N., Pillonnet PJ., 2020


Diversifier les messages pour dépasser le couple Montagne / Innovations technologiques afin d’élargir les publics ?


La pratique du marketing territorial se diffuse dans de nombreuses villes et territoires et s’inscrit dans une logique de métropolisation et de globalisation qui place les territoires dans une compétition afin d’attirer les visiteurs et les talents. Lancée en mai 2019, la marque territoriale Grenoble Alpes s’inscrit dans cette dynamique avec l’ambition de répondre au « Grenoble bashing ». En complément, la marque Grenoble Alpes contribue à la construction métropolitaine et veut favoriser le sentiment d’appartenance des acteurs de ce nouvel ensemble.


Marques et modèles du développement territorial grenoblois Source : Douay N., Pillonnet PJ., 2020


Aujourd’hui, la marque Grenoble Alpes est toujours dans une phase d’émergence, avec l’appui de différents supports de communication. Toutefois, le fait qu’elle ait surtout été portée par la Métropole et un ensemble d’acteurs économiques et scientifiques a vraisemblablement influencé la teneur des messages qui insistent sur la dimension technologique. La prise en compte de l’ensemble des modèles et dimensions du développement grenoblois qui sont principalement portés par d’autres acteurs ou institutions (Ville, Département et société civile) permettrait sûrement d’inclure plus largement les citoyens et les visiteurs dans leur diversité. La désignation de Grenoble comme Capitale verte européenne pour l’année 2022 sera peut-être l'occasion de sortir le marketing territorial grenoblois de sa dépendance aux acteurs scientifiques et technologiques et plus généralement, de questionner le modèle de développement métropolitain.


Références bibliographiques :

  • Beuze Edragas F., Bouron JB., 2019. Marketing territorial, notion en débat de Géoconfluences, URL

  • Chamard C., Schlenker L., 2017. La place du marketing territorial dans le processus de transformation territoriale. Gestion et management public, 6 / 1, 3, 41-57.

  • Cusin J., Passebois-Ducros J., 2014. Après Bilbao : existe-t-il de nouvelles voies pour le branding des territoires ? Une analyse comparée de deux flagships culturels français : Lens et Bordeaux. Association Française du Marketing. 22p.

  • Doucé ML., 2016. Fabriquer le territoire, le champ communicationnel, outil de construction territoriale ? Rôle et place de l’identité dans l'émergence et le développement de Grenoble-Alpes Métropole. Mémoire de master Sciences de l’information et de la communication, Université Grenoble Alpes.

  • Eshuis J., Klijn E., Braun E., 2014. Marketing territorial et participation citoyenne : le branding, un moyen de faire face à la dimension émotionnelle de l'élaboration des politiques ?. Revue Internationale des Sciences Administratives, 80, 1, 153-174.

  • Maisetti N., 2013. City branding et fragmentation métropolitaine : l’impossible recherche d’une marque territoriale dans le cas du territoire marseillais. Communication & langages, 175, 95-118.

  • Meyronin B., 2012. Marketing territorial - Enjeux et pratiques. Vuibert, collection Références Management, 225p.

  • Grenoble-Alpes Métropole, 2016. Schéma Métropolitain de Développement Touristique 2016-2020.

  • Vignau M., Grondeau A., 2018. Marketing territorial et politique de labellisation culturelle : entre transformations socio-urbaines et contestations, l’exemple de Marseille-Provence 2013 “Capitale européenne de la culture”, Représenter les territoires, colloque du CIST.

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