Édito
Frédéric Pontoire, directeur général de l'Agence d'urbanisme
À intervalles réguliers, l’Agence se permet de faire un pas de côté pour approfondir un thème qu’il lui semble intéressant de mettre à l’agenda des débats, au service de l’aménagement des territoires de l’aire grenobloise. C’est notre projet éditorial Grand A. Humblement, nous avons depuis quelques années semé quelques graines qui ont germé ou attendent de le faire : #1 TERRITOIRES, #2 RISQUES ET RÉSILIENCES, #3 BIG BANG NUMÉRIQUE, #4 ÉNERGÉT(H)IQUE, #5 ÉMERGENCES... autant de sujets sur lesquels nous avons mêlé prises de parole – positions – recul, en variant les formats afin de pouvoir répondre aux attentes et aux habitudes des lecteurs de notre webmagazine.
Nous reproduisons en 2023 la formule avec un objectif : explorer globalement et localement (sur nos territoires grenoblois) le mythe de l’urba phobie en période de crise. Qu’entendons-nous par ce terme tant il pourrait prêter à polémique ? C’est incontestable, nous sommes dans une civilisation des métropoles et des villes, confrontées à des défis et à des responsabilités immenses. Par leurs poids et leurs réseaux, ce sont elles qui sont en première ligne pour faire face à l’urgence temporelle et structurelle des transitions. Or, malgré des analyses étayées et circonstanciées, ce constat ne va apparemment pas de soi tant les villes sont décriées et affublées de qualificatifs peu amènes : prédatrices, consommatrices de ressources, insécures, oublieuses de leurs espaces « périphériques »... nous amenant à formuler dans ce numéro l’expression ambivalente de (Des)Amours de ville(s).
Dans cet avant-propos Grand A, les points de vue de Max Rousseau et de Philippe Bihouix règlent d’emblée deux focales : le mythe de l’exode urbain et le niveau acceptable et souhaitable de croissance urbaine. Ces sujets requièrent notre attention tant ils conditionnent les modèles du développement spatial de nos territoires et les décisions publiques qui en découlent. En complément, notre carte « Chère maison, chers trajets » illustre l’impératif d’objectivation et de représentation des phénomènes que nous prétendons comprendre, ici une première approche des lieux d’habitation des grands navetteurs.
Sur tous nos thèmes de travail en aménagement et urbanisme, méfions-nous des débats piégeux et stériles et exprimons ici une conviction : face aux défis immenses qui s’imposent à nous, nous ne sortirons par le haut qu’en mettant en avant les territoires dans leur globalité, ceux œuvrant de concert et en complémentarité au sein de leurs bassins de vie, différents selon que nous parlions emploi, habitat, mobilités, risques, commerces et services…
Il est impératif de s’intéresser à la manière dont se pensent et se préparent la ville et les territoires de demain, dans toute leur diversité (urbain, périurbain, rural, montagnard). C’est ce à quoi s’évertue ce sixième Grand A Le Mag, en cochant quelques cases et registres d’action, qui structurent le webmagazine [Constater – Repenser – (Ré)Concilier – (Se)Dépasser) – (P)Réparer] et font l’objet d’articles et de vidéos. Au fil des pages, se croisent des regards et des témoignages, s’expriment des paroles et des idées, qui parfois s’entrechoquent, strict reflet d’une réalité diverse et complexe. Merci aux contributrices et contributeurs pour leur analyse et la sincérité de leur point de vue sur ce sujet souvent trop polémique.
Pour l’Agence d’urbanisme, nous en tirons plusieurs leçons, marges de progrès, dont en particulier : l’effort perpétuel de compréhension et de documentation des phénomènes pour lutter contre les idées reçues et associer le plus grand nombre ; le besoin d’ajuster les ambitions avec les ressources et la fiscalité des territoires ; l’honnêteté intellectuelle pour dire combien l’urgence climatique nous oblige ; la créativité dans les méthodes pour dresser des perspectives et des futurs mobilisateurs.
Plus globalement, toutes les contributions doivent nous éclairer, tous, sur une nécessité : celle de chercher à comprendre, de s’écouter, de coopérer, de se réinventer et d’agir, pour mieux répondre aux attentes de tous les habitants, dans les villes et ailleurs, en laissant de côté les faux débats.