Grand A le mag - 4 : Décembre 2020

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Delphine Derobert Delphine Derobert ©DR
Caserne de Bonne - BPA
Écoquartier de Bonne, Grenoble

Les logements passifs ont besoin d’habitants actifs

Noémie Benezeth, Chargée d’études Territoires et Emmanuel Boulanger, Directeur d’études Habitat / Cohésion sociale, Agence d'urbanisme de la région grenobloise


Les règlementations thermiques s’appliquant à la construction résidentielle n’ont cessé ces vingt dernières années de progresser pour configurer des bâtiments moins consommateurs d’énergie. Cette révolution constructive est le fruit d’opérations pionnières auxquelles Grenoble a largement contribué, avec des projets d’écoquartiers toujours plus ambitieux en matière d’efficacité énergétique. Depuis le quartier De Bonne et jusqu’à l’actuel projet ABC d’habitat autonome, en passant par Blanche Monier ou Flaubert... ces expériences révèlent qu’il n’y a pas de performance énergétique sans que les habitants soient impliqués dans la mise en œuvre des objectifs environnementaux. L’évolution des habitats réclame aussi et peut-être surtout, une (r)évolution des modes d’habiter.


L’efficacité énergétique résidentielle au cœur des enjeux de transition

L’impératif d’efficacité énergétique en matière résidentielle est au cœur de la transition énergétique. En effet, le secteur du bâtiment est très énergivore et émetteur de GES : il représente près de la moitié de la consommation énergétique finale nationale et plus de 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Il s’agit de limiter la consommation énergétique de l’habitat pour faire face au réchauffement climatique mais aussi, de limiter la précarité énergétique des ménages dans un contexte où le prix des énergies augmente et où le poids des dépenses contraintes liées au logement est croissant.

Le bâtiment neuf ne représente qu’une partie restreinte des opportunités de logement pour les ménages. Mais l’accentuation du réchauffement climatique ne permet pas de continuer d’ajouter des passoires thermiques à celles qui existent déjà, en nombre, dans le parc existant. À l’heure de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), il s’agit de construire d’emblée les logements les moins consommateurs possibles pour éviter d’avoir à réintervenir massivement dans 10 ou 20 ans sur ce parc en amélioration thermique, comme on doit le faire aujourd’hui dans l’agglomération grenobloise avec la campagne Mur|Mur pour remédier aux lacunes du parc d’après-guerre.


Une règlementation thermique qui accompagne une révolution constructive

Depuis le choc pétrolier de 1973, les réglementations thermiques successives ont permis progressivement d’améliorer très nettement l’efficacité thermique des bâtiments résidentiels : on assiste à un véritable changement de paradigme constructif ces vingt dernières années.

Orientées au début sur le renforcement de l’isolation pour favoriser l’économie d’énergie et la limitation de la dépendance pétrolière, les règlementations ont intensifié grandement les exigences constructives, à partir des années 2000 (RT2000, RT 2005, RT 2012), pour viser progressivement la réduction maximale à la source de toutes les dépenses d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre. Elles sont devenues à la fois :

  • plus prescriptives, fixant à la fois un seuil maximal de consommation et une obligation de moyens techniques, de procédés constructifs ;

  • orientées vers une approche plus globale du bâtiment (conception bioclimatique, étanchéité, prise en compte du confort d’été) ;

  • et s’intéressant de plus en plus à la nature des énergies (obligation d’une part d’énergie renouvelable), et à celle des matériaux de construction, de leur empreinte carbone.


Cette (r)évolution se poursuit : la prochaine réglementation, en cours de préparation, dite « règlementation environnementale du bâtiment neuf » (RE 2020), visera non seulement à réduire encore la consommation d’énergie liée au chauffage et aux usages résidentiels, mais aussi l’empreinte écologique du bâtiment en prenant en compte l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre sur son cycle de vie, dès la construction, par le recours aux matériaux biosourcés et par la chaleur renouvelable.

Mais si les réglementations successives ont pu être appliquées, demandant un effort constant d’adaptation chez les concepteurs et de la part des professionnels du bâtiment, c’est qu’elles ont pu faire l’objet en amont d’expérimentations « grandeur nature », via des projets démonstrateurs. Les opérations pionnières comme les écoquartiers ont permis de tester techniquement les exigences constructives, de mettre au point de nouveaux process de travail avec l’ensemble des acteurs, y compris les habitants. L’expérience grenobloise a contribué aux avancées.


Les écoquartiers grenoblois comme incubateurs d’une nouvelle donne constructive 

Élue Capitale Verte en 2020, Grenoble n’a cessé de développer, depuis le milieu des années 2000, une approche pionnière des questions énergétiques dans ses projets d’écoquartier, en s’appuyant sur des programmes européens ou nationaux (Concerto, Zen-N, City-Zen, Écocité), sur un écosystème local favorable (par exemple un réseau de chaleur urbain qui dessert 100 000 équivalents logement et fonctionne à près de 80 % aux énergies renouvelables), en diffusant les acquis des démonstrateurs aux autres opérations.

Fondateur, l’écoquartier de Bonne, réalisé de 2004 à 2014, joue le rôle de démonstrateur en termes de qualité environnementale du bâti. Ses objectifs ont été de diminuer par deux sa consommation énergétique au regard de la RT 2005 et anticiper ainsi la RT 2012. Il installe des mini-cogénérations, impose du solaire thermique et du photovoltaïque ou l’usage de la nappe pour le rafraichissement et construit le 1er bâtiment tertiaire à énergie positive.

Dans le fil cette expérience, la Ville, impose systématiquement sur son territoire des performances énergétiques inférieures de 20 % à la règlementation (et même 30 % dans l’actuel PLUI), généralise le recours à l’isolation par l’extérieur et un recours aux énergies renouvelables.

L’écoquartier Flaubert en cours de construction s’inscrit dans cette poursuite de l’innovation urbaine. Candidat à l’appel à Manifestation d’Intérêt de l’Ademe « Quartier à énergie positive et faible impact carbone », il intègre cette fois-ci l’impact de la construction du bâti dans l’analyse de la consommation énergétique, en prescrivant un usage de matériaux biosourcés (bois, terre, paille). Par ces modes constructifs, c’est la RE2020 qui est cette fois-ci anticipée, et les premiers immeubles en bois de grande hauteur voient le jour à Grenoble.

Dans cette recherche permanente, le bâtiment ABC implanté sur l’Écocité Presqu’île va plus loin encore avec son objectif d’autonomie tant en énergie qu’en eau. Et du côté de la rénovation, la réhabilitation du quartier de l’Arlequin, grâce aux projets européens Zen-N et City-Zen, permet d’atteindre des objectifs de consommation prochex de la règlementation du neuf.

Toutes ces réflexions sont accompagnées depuis 2006 par la Biennale de l’habitat durable qui se transforme en 2017 en Biennale des villes en transition, avec des thèmes plus larges, et s’ouvre aux citoyens.


Il n’y a pas de logement passif sans habitants actifs ?

L’efficacité énergétique en matière résidentielle nécessite que la qualité technique du bâtiment soit au rendez-vous (enveloppe, isolation, étanchéité, efficacité des équipements, pilotage énergétique…), mais elle repose tout autant sur le fait que l’habitant adopte un comportement de « consomm’acteur » : il doit être informé, convaincu, proactif pour adapter son comportement et atteindre une certaine sobriété (limiter la température de chauffe, mettre un pull, aérer de façon brève en hiver...).

Différents retours d’expérience ont montré que les objectifs de performance d’habitats conçus pour être passifs ou basse consommation n’étaient pas atteints, d’une part du fait de lacunes dans l’exploitation des bâtiments – mauvais réglages des installations de chauffages, déficit d’entretien des VMC double-flux par exemple – et du fait d’usages inadéquats des occupants au regard des objectifs visés1. On a pu noter des « effets rebond » à la suite de requalifications thermiques, où les habitants, se sachant dans un bâtiment économe, ont monté le chauffage, ouvert davantage les fenêtres en hiver… compromettant ainsi les baisses de consommation visées. C’est d’autant plus regrettable que les bâtiments performants sont très sensibles aux évolutions de comportement de leurs occupants.

Les acteurs de la Caserne de Bonne ont vécu dans un premier temps cette « désillusion » de la surconsommation mais ont su rebondir du fait d’une démarche apprenante2. Le suivi fin des consommations, sur deux ans, permis par le programme européen Concerto, a permis d’identifier les problématiques techniques et humaines et de sensibiliser les habitants, avec l’appui de l’Alec, sur les spécificités de leur logement et les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs.

Ce retour d’expérience indique que la performance réelle d’un bâtiment repose sur trois piliers qui font système : sa qualité de conception/construction, la qualité de son exploitation et le comportement ad hoc des usagers. Elle pose la question de l’insuffisance des moyens consacrés au suivi de proximité des exploitants et des habitants dans la prise en main du bâtiment.

Dans le cas du bâtiment démonstrateur ABC - C pour citizen - la proactivité habitante autour des objectifs de performance environnementale et d’autonomie énergétique est devenue centrale dans le concept. Triés sur le volet selon une logique d’adhésion à la démarche, les nouveaux occupants sont invités à s’emparer du suivi permanent des consommations permises par de multiples instrumentations. Ils sont accompagnés par des facilitateurs pour bénéficier de conseils et faire évoluer leurs comportements vers plus de sobriété.

Cette expérience, où l’exigence environnementale finit par définir le mode d’habiter, est très éloignée du comportement moyen des acquéreurs ou habitants, qui attendent plus généralement que l’habitat s’adapte à leur mode de vie. Sa généralisation pose la question de l’acceptabilité (au-delà des convaincus) d’une telle « norme d’habiter ». Contrainte pour les uns, opportunité d’un vivre mieux pour les autres.


1 Par exemple : l’enquête « Habiter le BBC » conduite par UrbaLyon en partenariat avec l’Ademe auprès d’habitants de groupes locatifs sociaux en 2015, ou le rapport « Les conditions sociales et organisationnelles d’une performance énergétique in vivo dans les bâtiments neufs » publié par l’Ademe en 2015 sur la base d’une enquête sociologique de Gaëtan Brisepierre.

2 Cf. article de la Revue Durable d’avril 2012 : « De Bonne pave la voie de la performance énergétique dans les bâtiments ».

Comment agir sur la consommation d'énergie ?

Dispositif Mur Mur2 d'une maison individuelle à Échirolles

Mur|Mur : un dispositif de soutien à la rénovation énergétique des logements privés

Marie Filhol, Directrice Générale, ALEC


Un quart de la consommation d’énergie du territoire métropolitain grenoblois est imputé aux logements : c’est pour cette raison que Grenoble-Alpes Métropole lance, en 2010, sa première campagne d’isolation, Mur|Mur. 4 500 logements en copropriété sont ainsi rénovés entre 2010 et 2014. En 2016, le dispositif s’élargit à l’ensemble des logements privés, maisons individuelles comme copropriétés, et devient Mur|Mur 2.


L’accompagnement personnalisé des propriétaires et copropriétaires est assuré par l’Agence locale de l’énergie et du climat de la Grande région grenobloise. L’Alec aide à la définition du projet et des travaux, à la mobilisation des aides financières, à l’analyse des devis, au suivi et à la réception des travaux. Pour les copropriétés construites entre 1945 et 1975, la collectivité aide également au financement. Côté maison individuelle, la Métropole conventionne avec des bureaux d’études thermiques et des groupements d’entreprises qu’elle labellise afin de s’assurer du respect du référentiel technique. Mur|Mur va être prolongé au-delà de 2021 pour assurer la continuité de ce service d’accompagnement à la rénovation. Par ailleurs, à l’automne 2020, la Métropole a acté la création du dispositif Mur|Mur TPE/PME avec des fonds dédiés.


Plus d’information sur le site de Grenoble-Alpes Métropole 

Retour En avant

Objectif premier : la baisse des consommations

L’efficacité énergétique : une ressource à part entière

Dans sa feuille de route énergétique, le Schéma directeur énergie, Grenoble-Alpes Métropole donne la priorité à la baisse de consommations d’énergie. Deux leviers : la sobriété et l’efficacité énergétique. Ou, autrement dit, supprimer les gaspillages énergétiques !

Sobriété, efficacité, de quoi parle-t-on ?

La sobriété énergétique consiste à interroger les besoins, puis agir à travers les comportements individuels et l’organisation collective sur les différents usages de l’énergie pour privilégier les plus utiles, restreindre les plus extravagants et supprimer les plus nuisibles.
L’efficacité consiste à agir sur la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire un service donné. Elle s’obtient essentiellement par des choix techniques depuis l’utilisation jusqu’à la production d’énergie.
Ainsi par exemple, éteindre l’éclairage d’une vitrine la nuit est une action de sobriété, remplacer une ampoule de classe énergétique médiocre par une classe A est une action d’efficacité.


Les objectifs de la Métropole

Pour notre territoire, l’objectif du Plan Climat Air Énergie Métropolitain est de réduire de 40 % les consommations énergétiques d’ici 2030 par rapport à 2005.
Atteindre ce gain est primordial pour espérer réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 %. La lutte contre le gaspillage doit avoir lieu partout : industrie, logement, mobilité, activités tertiaires.
Pour accompagner les habitants, les collectivités, et les entreprises, un nouveau Service public de l’efficacité énergétique (SPEE) a été mis en place depuis un an.


Avec quelles technologies ?

La plus prometteuse : l’humain ! La sobriété a besoin des sciences humaines (psychologie, sociologie...) pour soutenir tous ces changements.

La Métropole développe aussi une plateforme web de la donnée énergétique. C’est le service public Métroénergies, mis en place pour permettre à chacun d’évaluer son degré de sobriété énergétique et accompagner les habitants vers des solutions plus performantes.

Enfin, la rénovation du patrimoine bâti est essentielle. Viser l’efficacité énergétique de tous les bâtiments est au cœur des accompagnements Mur|Mur portés par la Collectivité depuis de nombreuses années. Après les immeubles, ce sont désormais les maisons et les TPE PME qui peuvent être soutenus financièrement pour leurs travaux d’isolation.


Les logements passifs ont besoin d’habitants actifs Mur | Mur : un dispositif de soutien à la rénovation énergétique des logements privés ''Comment agir sur la consommation d'énergie''

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