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"Familles à énergie positive", le défi qui donne envie de faire des économies d'énergie

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Julien Robillard et Stéphane Labranche

Projets citoyens de production d'énergie renouvelable : lever les obstacles pour diffuser les projets

Julien Robillard, Ancien président d'Enercoop, co-fondateur de la start-up "Les Étages Unis" et co-fondateur et président d'Energ'Y Citoyennes
Stéphane La Branche, Coordonateur scientifique du GIECO, sociologue du climat indépendant, associé à Pacte, Science Po Grenoble, contributeur au 5e et 6e Rapports du GIEC/IPCC

Les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat et l’objectif de neutralité carbone en 2050 pointent vers la nécessité d’impliquer les citoyens dans la production d’EnR citoyenne. S’il existe plus de 300 projets participatifs (photovoltaïque, éolien, hydraulique, biogaz…) en France, force est de constater que nous sommes bien en-deçà de son potentiel.

Au-delà des facteurs techniques et énergétiques, la place de l’individu dans ce processus est clé, autant en tant que moteur ou frein potentiels au déploiement des projets puisqu’un individu peut refuser d’y participer ou ne pas posséder les compétences - financière, technique, administrative. Autrement, ce sont les enjeux sociologiques qui posent question, en jouant un rôle dans les efforts de transition, allant de l’engouement à la nonchalance jusqu’au refus. La sociologie apporte des éclairages sur les freins à la nécessaire montée en compétence énergétique, professionnelle, organisationnelle, des acteurs voulant s’impliquer dans des projets d’énergie citoyenne.


Implication des citoyens dans les projets de production d’énergie.

Les communautés engagées dans la production d’énergie sont pragmatiques et s’attaquent aux aspects stratégiques, techniques, sociologiques, opérationnels, financiers et de réseaux d’acteurs. En se structurant, elles permettent à ceux qui le souhaitent de passer à l’action près de chez eux. La promesse est que chacun peut s’impliquer sans regret à la hauteur de ses moyens. Certains investissent des fonds, d’autres du temps, tous font connaître la communauté dans laquelle ils s’épanouissent.


Leurs finalités sont pragmatiques également : agir pour le climat ici et maintenant, maîtriser et valoriser collectivement certaines ressources-clés de son territoire et de son investissement ; maîtriser son épargne et lui donner du sens (par exemple, sur le territoire grenoblois, un citoyen qui met son épargne dans Energ’Y Citoyennes1 génèrera 5 fois plus d’investissement que s’il avait agi seul). Mais elles donnent aussi du sens social à leurs actions : l’efficacité de l’action collective, la primauté du lien social, de l’amitié, qui dépassent les clivages partisans classiques, face au changement climatique et pour la transition énergétique. Mais alors, compte tenu des fondamentaux si positifs de ce type de communauté, pourquoi n’y en a-t-il pas plus avec plus d’associés ? La réponse est simple : même si la volonté est là et que le temps est à l’action, plusieurs obstacles émergent.


Quelques obstacles à la diffusion.

Des freins ''organisationnels'' d’abord. Par exemple, les gens qui déménagent doivent être remplacés, et les nouveaux doivent être formés sur les questions techniques, de montage de budget et de projet, ainsi que de coordination. On doit identifier des référents, rédiger des tutoriels, découper et attribuer correctement les tâches. Il s’agit de réduire la charge en la partageant tout en capitalisant la connaissance commune.

Les contraintes économiques ensuite. Il y a quatre ans, une communauté pouvait démarrer avec quelques toitures de 9 kWc (19 à 25 k€ par investissement). Aujourd’hui l’unité de base est la toiture de 36 kWc (50 k€ d’investissement) voire 100 kWc (120 k€ d’investissement). Le seuil de démarrage s’élève ainsi de façon permanente, nécessitant à son tour un apprentissage technique plus poussé en même temps que s’accroît la responsabilité. Puis, avec cette augmentation de la dimension, les communautés énergétiques se retrouvent confrontées à la concurrence des développeurs privés classiques. Alors qu’il y a quatre ans, un dialogue de gré à gré pouvait s’engager pour équiper une toiture d’école, la mise en concurrence est désormais systématique. Il faut donc savoir gérer une procédure d’appel d’offre.


Globalement, ces tendances lourdes obligent les projets participatifs à se professionnaliser. Les bénévoles ne font plus tout. La sous-traitance se renforce avec des AMO, des installateurs, des bureaux d’études qu’il faut rémunérer et gérer. Il faut savoir mener une levée de fonds, être capable de communiquer sur les réseaux, animer une communauté, susciter l’intérêt de la presse locale, répondre à des appels à projets complexes. Comment alors :

  • nouer des liens avec des acteurs locaux et créer les conditions de confiance entre les parties prenantes ?

  • faire émerger des projets en nombre suffisant pour que la dynamique perdure (des projets nouveaux tous les ans avec un nombre et une taille qui augmentent) ;

  • transformer la bienveillance de la puissance publique en une coopération active malgré les contraintes des achats publics ?

  • attirer les publics susceptibles de s’engager davantage dans les projets participatifs ?

  • faciliter le processus de mise en œuvre des projets et le partage des retours d’expérience ?


La dynamique est, sans conteste, lancée : les communautés énergétiques ont embrassé la complexité du système énergétique et elles ont commencé à apprendre à jouer avec ses codes et ses règles. Mais elles font aussi face à des obstacles d’ordre humains, organisationnels, politiques et sociologiques, en proposant une alternative. C’est là que réside la revendication de ces projets : faire société ensemble durablement en réinventant un secteur qui a façonné de façon profonde notre monde, le secteur de l’énergie.


1 Sur le territoire de la Métropole, la SAS Energ’Y Citoyennes opère depuis septembre 2016. En 4 ans d’existence, elle a fédéré 300 associés dont, bon an mal an, 25 sont bénévoles actifs. Ils ont construit déjà 15 toitures photovoltaïques, ont contribués à financer 3 réseaux de chaleur et d’autres projets sont en cours.

En octobre 2020, Énergie Partagée recensait 204 projets d’énergies citoyennes sur le territoire français, dont plus d’un quart en Auvergne-Rhône Alpes.

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Production et consommation :
deux actions conjointes

Il nous faut vivre de manière plus sobre

La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, deux actions conjointes sont indispensables : soutenir la production d’énergie renouvelable et changer les comportements de consommation afin de vivre de manière plus « sobre ». Nous abordons ici ces deux sujets grâce aux enseignements tirés de deux projets distincts menés à Grenoble École de Management. Le premier projet étudie le rôle et le potentiel des communautés d’énergie citoyenne, tandis que le second regarde comment des initiatives de sobriété énergétique peuvent émerger localement.

Quel potentiel pour les énergies citoyennes en France ?


Une communauté d’énergie citoyenne (CEC) représente un groupement de citoyens, accompagné ou non par des acteurs publics/privés, qui décident d’investir ensemble dans un projet de centrale d’énergie renouvelable. Les CEC peuvent prendre la forme de grappes solaires (panneaux photovoltaïques installés par exemple sur le toit de l’école et de la salle polyvalente de la ville), la rénovation de la turbine hydroélectrique du village qui ne fonctionne plus depuis longtemps ou encore, un champ d’éoliennes !


Ces communautés se caractérisent le plus souvent par un mode de gouvernance très démocratique basé sur le principe « un homme, une voix » : peu importe le nombre d’actions détenues par chaque sociétaire, il aura le même accès à la gouvernance de la communauté. L’idée principale est donc ici de montrer qu’il est possible pour les citoyens de « reprendre la main » sur l’énergie et de rendre visibles ces projets. Pour cela, l’association nationale des CEC Énergie partagée ou encore l’association Centrales villageoises qui œuvre dans l’Est de la France, sont là pour accompagner et fédérer cette démarche. En octobre 2020, Énergie Partagée recensait 204 projets d’énergies citoyennes sur le territoire français, dont plus d’un quart en Auvergne-Rhône-Alpes. Ce nombre a été multiplié par 4 en moins de 5 ans.


En plus de cet investissement participatif et collectif de la part des citoyens, les CEC disposent de plusieurs mécanismes d’aides disponibles au niveau national (comme les tarifs d’achat ou le « bonus participatif ») ou régional (agences dédiées, subventions fléchées pour ces communautés…) qui ont rendu possible l’émergence de ce mouvement. Mais l’évolution des dispositifs d’aide (notamment des tarifs d’achat) met actuellement en péril certaines communautés, notamment les plus petites. Les responsables politiques devraient considérer les CEC comme un outil puissant de mobilisation des citoyens en faveur de la transition énergétique, reconnaître leur rôle multiple et favoriser leur déploiement.


Leçons des initiatives locales de sobriété énergétique


Au-delà de développer toujours plus de renouvelable, l’urgence climatique va nous demander d’organiser une société plus sobre en énergie. C’est d’ailleurs ce que préconise la Convention citoyenne pour le Climat dont la première thématique de propositions concerne les changements de consommation. La sobriété énergétique est définie par l’association Virage Énergie comme une démarche qui vise à réduire les consommations d’énergie par des changements de comportement, de mode de vie et d’organisation collective. Aujourd’hui, la sobriété énergétique se concrétise principalement par des petits gestes individuels des citoyens sensibles aux enjeux environnementaux (par exemple faire du covoiturage ou réduire sa consommation de viande). Cependant, pour être à la hauteur des enjeux environnementaux, il faut une réorganisation collective. À ce jour, quelques initiatives locales de sobriété énergétique existent notamment à Aubenas, Grenoble, Dunkerque, Malaunay ou Ungersheim.


Nous pouvons tirer plusieurs leçons des expériences de ces ville pionnières. Tout d’abord, ces initiatives émergent dans des territoires avec des démarches volontaristes sur le climat et l’énergie. Pourtant même si l’ambition existe, les acteurs ont souvent des difficultés à opérationnaliser ce qu’une démarche de sobriété énergétique collective pourrait être concrètement. Et lorsqu’un projet concret émerge, les acteurs qui y participent sont nombreux, hétérogènes et pourtant complémentaires. Pour que les initiatives de sobriété énergétique puissent se réaliser, il faut parvenir à aligner les intérêts de chacun. Pour cela un rôle rarement mis en avant mais indispensable ressort : celui de l’animateur transversal. À Aubenas par exemple, ce rôle rempli par l’animatrice du centre social a été primordial pour écouter tous les acteurs, comprendre leurs besoins, entretenir le lien social, et apaiser les conflits.


Enfin, la sobriété énergétique est un projet sociétal qui implique de repenser nos usages de manière fondamentale. L’énergie n’est pas une fin en soi mais rend possible de nombreux usages (éclairage, chauffage, froid, mobilité, etc.). Réfléchir en termes de sobriété c’est identifier les usages que l’on souhaite prioriser et ceux que l’on doit abandonner. Faire de tels choix n’est pas anodin et pour être compris et acceptés, il est nécessaire de trouver de nouvelles formes de démocratie participative permettant de donner une voix à toutes les parties prenantes. 


l'article de Stéphane Labranche et Julien Robillard paroles de GEM "Familles à énergie positive", le défi qui donne envie de faire des économies d'énergie

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