L’innovation technologique s’accélère et entraîne des changements profonds de notre société. Le numérique a pénétré l’ensemble de nos activités. De fait, la production de données s’accroît. Qu’est-ce qu’une donnée ? C’est une information numérique, personnelle et anonyme, générée par un individu puis stockée sur un réseau. Plus ou moins consciemment, nous sommes tous producteurs de données. Les téléphones, les transports en commun, les sites internet que nous consultons, partout où se trouvent des capteurs, cette matière première est produite et collectée. Les sphères publiques et politiques, conscientes de la valeur et des enjeux de ces données se questionnent, pouvons-nous leur trouver un intérêt territorial ? Malheureusement l’exploitation des données est opaque, puisqu’à ce jour, ni l’État, ni les acteurs privés ou publics n’ont été capables de déterminer son modèle économique. Nous sommes à un instant déterminant, celui où tout est encore possible. Nicolas Douay, professeur en urbanisme et aménagement à l’Institut d’urbanisme et de géographie alpine (IUGA), propose dans son ouvrage L’urbanisme à l’heure du numérique deux scénarios, que nous avons sélectionnés pour illustrer nos réflexions.
Une projection optimiste, hors impact environnemental
Dans le premier scénario, l’approche cyber-optimiste, on imagine une société plus ouverte ; au service d’une démocratie directe où les citoyens pourraient participer plus librement grâce à l’émergence d’Internet. Des initiatives en ce sens existent déjà, comme en témoigne Davy Coateval, Directeur des projets innovants chez Orange au sein de la délégation régionale Alpes : « Aujourd’hui la vie administrative est digitale, ce qui exclut une partie de la population. Avec ses maisons digitales, Orange a formé des millions de femmes à l’utilisation du numérique. » Internet permet de généraliser l’accès à l’information même pour les populations les plus marginalisées. En effet, le numérique peut être un levier de développement. D’après la Banque Mondiale, augmenter le débit Internet de 10 % en Afrique permettrait par exemple de générer 1 % de PIB supplémentaire. Bien sûr, ces estimations sont subjectives dans la mesure où le PIB ne prend pas en compte le coût environnemental. La pollution numérique produite par les data centers ou l’extraction de terres rares sont en effet des préoccupations majeures pour les prochaines décennies.
Un scénario dystopique…
À l’inverse, dans le second scénario, l’approche cyber-pessimiste, Internet est une technique au service d’une nouvelle élite qui répond aux intérêts de grands groupes privés et organise une surveillance généralisée des comportements. Les GAFAM, géants d’Internet, ont la mainmise sur nos données. De ce point de vue, les hackers, le tracking* publicitaire ou encore le darknet* menacent l’intérêt général. Les élections municipales de 2020 seront-elles la cible des fake-news* ? Notre système démocratique pourrait être mis en péril par ces intrusions numériques malveillantes.
Un mode de gouvernance où la donnée est un bien commun
La société semble désormais chercher de nouvelles forces, le pouvoir reviendra-t-il à ceux qui détiennent la donnée ? Si oui, nous pensons que la donnée doit devenir un bien commun. D’après l’approche des communs d’Élinor Ostrom, ces biens requièrent une gestion collective et horizontale, à laquelle chacun a accès et dont personne n’est propriétaire. Par ce mode de gouvernance, la donnée pourrait être utilisée pour renforcer la collectivité en proposant des services publics vraiment adaptés aux demandes et besoins des citoyens. C’était une idée centrale du projet GREAT (candidat à l’appel à manifestation d’intérêt "Territoire d’innovation de grande ambition”) à Grenoble qui visait à mettre en relation les acteurs du territoire grenoblois et les citoyens grâce à la donnée. Seulement, la métropole est un lieu incandescent ou des radicalités s’expriment. Des minorités opposées au « progrès » et au mythe de la croissance prônent la déconnexion. Arrêter de donner ses données, c’est l’idée qu’avant de pencher pour l’un des scénarios, une première option réside dans le choix des informations personnelles que l’on décide ou non de transmettre. Toutefois, la responsabilité individuelle doit être soutenue par une volonté politique forte. À quand une mobilisation des pouvoirs publiques sur la question des données ?
* hackers : s’entend ici comme un informaticien en capacité de vampiriser les données privées ou personnelles. tracking publicitaire : dispositif informatique qui permet de pister la navigation des internautes à des fins de ciblage publicitaire. darknet : ou Internet caché, réseau spécifique qui permet de communiquer de manière anonyme. fake-news : Informations mensongères relayées par Internet ou les réseaux sociaux.
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