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Gaelle-Magder-MAIF--019-carre.jpg Marc Rigolot © Gaelle Magder

La responsabilité, fondement de la résilience

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Préparer des comportements résilients nécessite de ne pas masquer le risque et ses conséquences potentielles © Camy Verrier Hanslucas MAIF
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Malgré la récurrence de situations dramatiques, on continue ici ou là à construire en zones basses, régulièrement inondées © Idriss Bigou Gilles Maif
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Les mêmes questions se posent en montagne, par exemple pour la construction dans des couloirs d’avalanche © GettyImages Whit Richardson
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Les catastrophes naturelles, des tsunamis aux cyclones en passant par les avalanches devraient imposer des décisions et comportements responsables, qu’ils soient individuels ou collectifs © iStock
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Prévenir, responsabiliser, modifier les comportements

Prévention versus résilience

Résilience vient du latin resilio, rebondir, résister, pour, dans l’après catastrophe, retrouver son état initial. Au-delà de l’adaptation post crise, elle nécessite en amont une dimension d’apprentissage et d’anticipation. Pour autant, je crains que les approches fortement orientées résilience soient une incitation implicite à s’affranchir de sa responsabilité, qu’elle soit individuelle (les citoyens) ou collective (les autorités). A contrario, la prévention implique des décisions qui, bien que délicates socialement, sont souvent plus efficaces, mais également plus difficiles à mettre en œuvre. Par exemple, le 80 Km/h sur les routes, tout comme le vaccin obligatoire, sont des approches préventives nécessaires collectivement, mais socialement et individuellement contestées.


Loin de moi l’idée d’opposer les approches. La résilience est très souhaitable, dès lors qu’elle intervient en complément des politiques de prévention, mais pas quand elle s’y substitue et prône l’acceptation de la catastrophe alors que celle-ci aurait pu être évitée ou minimisée.


En la matière, la gestion de la construction dans les zones à risque est emblématique : pression foncière, recherche d’aménités par les citoyens, approches électoralistes et économiques, poussent à céder et à permettre de construire, parfois sous les formes classiques, dans des zones dangereuses. Dans ce contexte, urbanistes et architectes quant à eux avancent l’idée de « faire avec ». Nouvelles formes urbaines, acculturation, plan de sauvetage… Mais, même sur pilotis, est-il réellement pertinent de construire dans le lit d’une rivière ?


Sans politique de prévention très en amont, très inscrite dans le paysage quotidien, très transparente, permettant de matérialiser clairement les aléas, aucune politique de résilience ne peut, me semble t-il, vraiment faire sens.


Le problème de l’amnésie collective

Une des clés pour bien agir est évidemment de connaître la réalité du risque, de l’aléa, de ses effets. Ce qui suppose, en particulier, un vécu ou une transmission. Or, on constate que la mémoire franchit rarement le laps de deux générations. La montée actuelle des populismes en Europe en témoigne, les enseignements des précédentes guerres s’effaçant peu à peu. Cela se vérifie dans toutes les zones à risque : submersions marines, inondations, tremblements de terre, éruptions volcaniques, cyclones… Dépassé le traumatisme, ils tombent dans l’oubli et sortent du champ des possibles.


En prenant un raccourci forcément réducteur, on pourrait illustrer ce phénomène ainsi : lorsque la fréquence de l’aléa est élevée (tous les 5 à 20 ans), la mémoire est vivace, les populations savent et font des choix éclairés. Mesures de prévention et de résilience sont acceptées.
Entre 20 et 50 ans, les locaux savent, mais on observe un début de délitement, d’oubli. Un constat renforcé par la mobilité croissante des personnes : les populations changent, les nouveaux arrivants ne savent pas (et ne cherchent pas à savoir). La mémoire des événements se dissipe peu à peu…
Enfin, au-delà de 50 ans, en témoigne la tempête Xynthia, la mémoire (individuelle et collective) des événements a disparu. Cet oubli a même été « cultivé » par les élus dans certaines zones côtières dans leur ambition d’extension urbaine effrénée sur le littoral. Les traces anciennes, les repères de crue ont été effacés, le foncier agricole a été réaffecté…


Dans ce contexte, il est très rapidement apparu politiquement incorrect de parler de risques. Et donc, de financer la maintenance des ouvrages de résistance et de prévention, encore moins d’imaginer toute stratégie de résilience. Aujourd’hui encore, il est bien difficile de parler de réimplanter des repères de crue pour informer, sensibiliser ; de stopper l’habitat pavillonnaire sans étage dans les zones à risques ; voire, dans certaines zones, de faire simplement appliquer les précautions urbanistiques… On pourrait élargir la perspective à d’autres risques, et parler de construction dans les couloirs d’avalanche ou en zone cyclonique.


Les leviers économiques

Nos travaux montrent également que l’efficacité des politiques de prévention et de résilience est fortement améliorée lorsque les enjeux et leviers économiques sont « posés sur la table ». Les décisions prises tant par les citoyens que les élus résultent en effet aussi, au-delà des aménités, de calculs financiers (coût / bénéfice), de plus en plus à court terme.


Il est du rôle des assureurs que de travailler à ne pas faire reposer la charge de l’irresponsabilité assumée de quelques individus, sur le collectif. C’est une réflexion qui est engagée.


Nous devons essayer d’apporter aux décideurs des données économiques pour les aider à prendre des décisions éclairées : coût d’une action, d’une campagne, d’un renforcement d’ouvrage… vs coût économique d’une catastrophe, directs et indirects (image, activité économique…).


La Fondation Maif soutient différents projets, comme l’analyse de la vulnérabilité du bâti (modélisation de séismes) ou Urbasis (un outil d’aide à la décision pour le risque sismique via une analyse coût / bénéfice), développé par ISTerre à Grenoble.


Nous devons également éclairer les citoyens sur les conséquences de leurs actes et réenchanter la notion de responsabilité. C’est l’ambition des projets « Inondations, aménités et choix de résidence » mis en œuvre avec l’Irstea, et « Vagues et tempêtes », qui analyse les dommages de Xynthia, modélise des phénomènes, simulations et prédictions (projet Johanna, BRGM).


Enfin, nous nous devons de développer et proposer des outils simples, partagés, au service de la résilience. Ici encore, quelques projets y contribuent tels que l’application Lastquake (information et témoignage sur les séismes, partage d’une « science citoyenne ») et Lastquake tsunami (intégration d’un module d’alerte), ou encore, l’Observatoire citoyen des risques naturels pour un bon usage des réseaux sociaux en matière d’alerte et d’information (SuricatNat, BRGM).


Modifier les comportements : des techniques innovantes

La Fondation Maif, par la variété des projets qu’elle soutient, concentre des points de vue et des observations. Et fait le constat de convergences. Force est de constater que les politiques basées sur la contrainte sont socialement très difficiles à accepter, les réflexes individualistes supplantant l’intérêt général. On connaît aussi les limites des politiques classiques d’information et de sensibilisation, dans tous les domaines, qui, déconnectées de la perception du risque, peinent à être appliquées, voire comprises.


Avec le développement de l’économie comportementale et les progrès des neurosciences, émergent d’autres façons plus originales d’aborder la prévention des risques et le développement de la résilience.
Parmi elles, les nudges (approches basées sur nos biais comportementaux) ; la réalité virtuelle (générateur d’émotions) ; la promotion des bons comportements (plutôt que de pointer les mauvais) ou encore, la sensibilisation par autoévaluation (applications ludiques).
Plusieurs projets et expériences sont en cours dans ces domaines.


vidéo : entretien avec Marc Rigolot

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