Grand A le mag - 1 : Décembre 2017

NUMÉROS PRÉCÉDENTS

Collapse

Uncollapse

jp-bret-copie.jpg

Entretien avec Jean‑Paul Bret, président de l’Agence d’urbanisme

C’est un espace délimité par des frontières et par des institutions. Mais je pourrais dire aussi que mon territoire c’est ma maison, Grenoble, la France, le monde…

Marcel Coterd,
Étudiant, Grenoble

Un territoire pour moi, c’est l’ensemble de communes, des communautés de communes, des intercommunalités, les grandes agglomérations. Un territoire c’est l’économie, le tourisme, le social, c’est tous les acteurs, habitant, commerçant, élu…

Franck Gautier,
Commerçant, Villard-de-Lans

Retour En avant

Territoires, forcément pluriels

L’émergence de grands systèmes territoriaux nous oblige à revoir la définition même du territoire. De nouvelles logiques nous imposent de co-construire des solidarités et des coopérations.

L’analyse des liens entre les aires urbaines mais aussi à l’intérieur des aires urbaines d’Auvergne-Rhône-Alpes dessine une hiérarchie territoriale claire avec la présence de 3 grands systèmes. Le premier système territorial est animé par la plaque métropolitaine lyonnaise qui s’affirme sans conteste comme le principal moteur régional et dans lequel sont déjà sous influence bien évidemment Saint-Etienne mais aussi Grenoble.


Apparaît un système « auvergnat » polarisé par Clermont-Ferrand qui contrairement à Grenoble et Saint-Etienne, subit peu l’influence lyonnaise. Enfin, un troisième système au tropisme savoyard montre l’influence de l’autre métropole régionale, Genève.


L’émergence de grands systèmes territoriaux


Au-delà, l’analyse du fonctionnement et des interactions entre les aires urbaines montre à quel point la métropolisation combinée à l’évolution des modes de vie change radicalement le fonctionnement des territoires, organise la prise de pouvoir des villes et nous oblige à revoir ce qu’est la définition même d’un territoire. On a longtemps pensé les territoires comme de petites nations, c’est-à-dire comme des espaces autocentrés, autonomes voire auto-suffisants. On s’aperçoit que les flux qui irriguent les territoires contribuent à l’émergence de grands systèmes territoriaux dans lesquels les territoires sont de plus en plus en interaction les uns avec les autres.


La métropolisation a en effet comme conséquence majeure une spécialisation économique des territoires avec une concentration de l’emploi productif dans les grands centres urbains et une économie des territoires non-métropolitains portée par l’économie résidentielle. Comment en serait-il autrement dans une économie dans laquelle désormais, le tertiaire public, le tertiaire productif et le tertiaire résidentiel concentrent plus de 78 % du total des emplois en France ? On comprend bien que si l’industrie était très favorable aux territoires, la tertiarisation de l’économie est en revanche beaucoup plus propice au développement des villes et notamment des plus grandes d’entre elles.


De fait, la géographie de la distribution de la richesse est de plus en plus distincte de la géographie de la production de la richesse. Non seulement, les lois du développement économique territorial sont distinctes des lois du développement macro‑économique mais pour la grande majorité des territoires, ceux qui ne sont pas des métropoles, l’enjeu est moins de produire de la richesse que de capter des revenus produits à l’extérieur du territoire et de favoriser la redistribution de ces revenus captés sous forme de dépenses de consommation permettant ainsi de stimuler l’économie domestique.


Car contrairement à ce que pensent certains qui voient les métropoles comme des « trous noirs » qui dévitalisent les territoires qui l’environnent, la plupart des très grandes agglomérations sont plutôt généreuses avec les territoires qui les entourent. Les 685 000 emplois présents dans la métropole de Lyon génèrent 18,5 milliards. 5,1 milliards soit 27,6 % sont distribués à des actifs résidant hors du périmètre de la métropole. Les 221 400 emplois de la métropole grenobloise génèrent 6 milliards de masse salariale dont 28,3 % sont reversés à des actifs résidant hors du territoire métropolitain.


Nous devons prendre acte de l’interdépendance des territoires et penser « système territorial » plutôt que « territoire petite nation ». Nous devons aussi considérer la solidarité spontanée qui s’organise entre les territoires d’un même système, via les mécanismes de redistribution liés aux navetteurs. Cela éclaire d’un jour nouveau la segmentation désormais artificielle entre espaces urbains, péri-urbains et même ruraux, ainsi que le débat sur les métropoles et la France périphérique.


Articuler les échelles plutôt que de redécouper les territoires


L’apparition de ces grands systèmes territoriaux pose inévitablement la question de leur gouvernance. De ce point de vue, un autre constat majeur doit être fait : malgré les efforts louables initiés par la loi RCT (2010) et surtout la loi NOTRe (2015) sur l’extension des périmètres intercommunaux, les périmètres institutionnels sont toujours autant en décalage par rapport aux territoires vécus. L’intensité des relations domicile-travail entre grandes aires urbaines et encore davantage à l’intérieur des aires urbaines le démontre amplement.


Certes l’Acte III a considérablement renforcé les prérogatives régionales en matière d’aménagement du territoire, de développement économique et d’organisation de la mobilité interurbaine. Cependant, dans la nouvelle organisation dessinée par l’Acte III, ce sont les métropoles qui constituent les générateurs de croissance ; les régions ayant vocation à favoriser et organiser la diffusion de la croissance générée par les métropoles et d’assurer un minimum de solidarité territoriale. Force est de constater que la gouvernance économique locale et la gouvernance de la mobilité à l’intérieur des aires urbaines demeure dans la plupart des cas très morcelée.


Il est clair désormais que l’on ne répondra pas à la puissance du phénomène de métropolisation et à la formidable évolution des modes de vie par une extension sans fin des périmètres. L’enjeu n’est plus seulement de redécouper les territoires et d’élargir les périmètres mais d’articuler les échelles. L’acte III de la décentralisation procède d’ailleurs au même constat en favorisant le développement des coopérations inter-territoriales grâce à des outils rénovés, le pôle métropolitain et le Pôle d’Equilibre Territorial et Rural.


Jean-Paul Bret, Président de la communauté d’agglomération du Pays Voironnais et de l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise.

Article paru dans Prospectives et territoires, Auvergne-Rhône-Alpes, n°7, juillet‑septembre 2017, p.22


Entretien avec Jean‑Paul Bret Le mot de Marcel Coterd Le territoire en images Le mot de Franck Gautier

Orientez votre tablette horizontalement pour profiter des contenus enrichis.

__Logo1_splash.png Notre Emag ne prend pas en charge la lecture sur mobile pour le moment. Nous vous invitons à le consulter sur tablette ou ordinateur. Continuer tout de même