Besoin d’une offre ensemblière systémique (re)liante
Le monde se réchauffe ! les montagnes sont impactées plus rapidement que d’autres territoires1. Sur ces territoires, les changements ne sont plus une option, qu’ils s’imposent, s’anticipent, se cherchent, se discutent ou s’opposent… Le contexte montagnard invite à examiner plus précisément les réalités territoriales de la transition, leurs actualités et les défis qu’elles posent à ses populations : tourisme, énergie, mobilité, environnement, santé, alimentation, ressource en eau, aménagement du territoire, sciences, numérique, etc.
Vivre et habiter la montagne demain pose avec acuité la question des transitions, avec un défi complémentaire : celui d’une nouvelle organisation des territoires, à une échelle intégrant métropole et massifs. Les coopérations horizontales ou verticales peinent pourtant à suivre les évolutions territoriales. La transformation des territoires reste en effet « balbutiante » selon un collectif de chercheurs (Defay, Dequeker, Villalongue) qui écrit, dans une tribune du Monde en octobre 2021 : « qu’ il y a bel et bien en France un problème de gouvernance locale de la transition écologique. » Une réflexion qui s’applique particulièrement aux territoires entre plaine et montagnes. Pour (re)lier le haut et le bas, il manque une offre ensemblière publique, privée, sociétale, systémique.
(ré)unir le haut et le bas par des ressorts coopérants
Les attentes d’intégration des thèmes naturalistes dans le fait urbain métropolitain et de la prise en compte de cette préoccupation pour les enjeux de participation ou cogestion ont été repérées. Les massifs alentour sont tout autant porteurs de politiques publiques engagées dans la transformation par l’éducation, la participation citoyenne et l’écoresponsabilité. Comment les (re)lier ?
Ce défi de (ré)unir le haut et le bas appelle des ressorts coopérants, c’est-à-dire les savoirs (faire et être), la ressource (ingénieriale et technique), l’apprenance (initiatives et pratiques), s’inscrivant dans l’agir : autant de capacités montrées par des collectifs participatifs ou actifs. C’est le constat issu de plus de 80 entretiens ouverts, et d’observations auprès de collectifs, de projets et d’actions et/ou militants, professionnels, en réseaux, informels, mouvants etc, menés sur les massifs et la métropole grenobloise, entre 2020-2022, pour ma thèse « coopérations montagnes et métropole »2.
Des transformations à prendre en compte
La diversification d’activités propose de nouvelles formes d’économie, de gouvernance, de pratiques collectives organisationnelles. Cela offre l’occasion de se rencontrer, d’initier des transitions. On voit que des pratiques émergent : déplacements, énergie, échanges monétaires, circuits courts-alimentation, loisirs etc., qui interconnectent les montagnes à la métropole. Elles montrent aussi que les territoires s’appuient sur des expertises entrepreneuriales (Rézo-Pouce, autopartage,co-voiturage, Energy citoyenne…) et habitantes (balisage de sentiers, entraide et services, lieux partagés, autonomie alimentaire…).
Transversaliser, mutualiser, activer l’intelligence collective, cela invite à sortir des logiques de silo pour dessiner collectivement l’avenir des territoires : maintien de la ligne Gap-Grenoble, réhabilitation et/ou reconversion et nouvelle gouvernance des stations de moyennes montagnes3…
Se (re)connaître est essentiel pour mettre en visibilité les actions et projets (Cafés citoyens, nettoyage de rivières, Forêt et société, Société et pastoralisme, Ciné-montagne…). L’agir4, par les coopérations, accélère les transitions, et donne ainsi un souffle nouveau aux territoires.
Les manières d’agir collectives sont garantes d’un « mieux vivre et habiter » les montagnes demain
Les liens entre territoires peuvent surgir des imaginaires en croisant l’action publique et collective, l’ingénierie et l’intelligence territoriale par les coopérations5. Ils dépendent de la circulation des hommes, des biens, des trames écologiques. Les manières d’agir collectives, coopérantes, pour mener les transitions, pourraient être garantes d’un futur commun territorial.
entretien avec Cyrille Plenet entretien avec Colombe Buevoz
1 Colloque sur la transition : https://labexittem.fr/encore-un-colloque-sur-la-transition-dans-un-format-inedit/ et « Coup de chaud sur les montagnes » de B. Francou et M-A.Mélières, 2018
3 Voir le dossier « Réinventer les stations de montagne » de la revue urbanisme n°411, 2018, et une nouvelle façon d’habiter la montagne dans le dossier « La transition au cœur des territoires de montagne » revue Espaces Hs 2022) suite aux États généraux de la transition de la montagne.
4 Question de l’agir dans les transitions en montagne dans les travaux suivants : agir créatif, P. Bourdeau, 2018 et lettre Grand A #5 AURG, agir récréatif, J.Corneloup 2023, l’agir autrement dans les convergences de transitions des Parcs, R.Lajarge 2022.
5 Montré dans « Chantiers ouverts au public » P. Scherer 2015 et Horizons publics n°17, coord. 27e région, S. Vincent.
Bibliographie
BOURDEAU, Philippe, 2018. « L’agir créatif dans le tourisme de montagne ». In : MESTRES, Jean-Michel, Réinventer les stations de montagne. Paris : La Revue Urbanisme. 411. p. 59‑62.
COLLECTIF REVUE ESPACES, 2022. La transition au cœur des territoires de montagne. Cergy : Éditions Espaces. 92 p. Coll. Hors série.
CORNELOUP, Jean, 2023. La montagne récréative : une transition en chemin. Fontaine : Presses Universitaires de Grenoble. 396 p.
DEFAY, Marie, DEQUEKER, Edouard, VILLALONGUE, Julien, 2021. « Aménagement des territoires : “Il y a bel et bien en France un problème de gouvernance locale de la transition écologique” ». In : Le Monde. 20 octobre 2021. p. 4.
FRANCOU, Bernard, MÉLIÈRES, Marie-Antoinette, 2021. Coup de chaud sur les montagnes : ce qu’elles ont à nous dire sur le réchauffement climatique. Chamonix : Guérin-Éditions Paulsen. 238 p.
LAJARGE, Romain, 2022. « Convergences des transitions, quels enjeux pour les Parc (dès) demain ? ». In : Conseil d’orientation recherche et prospective(CORP) de la Fédération des Parcs. Saint-Nazaire : Fédération des Parcs. p. 4.
MESTRES, Jean-Michel Coord., 2018. Réinventer les stations de montagne. Paris : La Revue Urbanisme. 87 p. 411.
SCHERER, Pauline, 2015. Chantiers ouverts au public : design des politiques publiques. Paris : la Documentation française. 500 p.
VINCENT & AL., Stéphane, 2020. Nouveau contrat écologique et social : comment passer à l’acte ?: Berger-Levrault. 108 p. Coll. Horizons publics, 17.