Grand A le mag - 4 : Décembre 2020

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Les scénarios de transition énergétique, un outil au service des décideurs ?

Isabelle Reynaud, Chargée d’études principale mobilité et énergie, Agence d’urbanisme de la région grenobloise


Depuis près de 50 ans, la trajectoire énergétique de la France suscite des débats passionnés. Elle est encore loin d’être écrite, ainsi qu’en témoigne le foisonnement d’études et de controverses qui entourent cette thématique. Pour définir une orientation de long terme à la politique énergétique, quel peut être l’apport de la prospective ? Peut-on construire un scénario qui emporte l’adhésion du plus grand nombre ?


Une histoire déjà longue

La notion de transition énergétique en France est ancienne. Elle remonte à la crise pétrolière, au début des années 70. Le gouvernement lance alors une grande politique énergétique basée sur trois axes : les économies d’énergies, la question des transports et l’indépendance énergétique. Le pari pris à l’époque, assurer l’approvisionnement national par le développement d’un programme nucléaire à grande échelle, est encore au centre des débats d’aujourd’hui.


Au début des années 2000, la prise de conscience de la nécessité de lutter contre le changement climatique réinterroge la stratégie énergétique. Dès 2005, le Facteur 4 (division des émissions de gaz à effet de serre par 4 en 2050 par rapport à 1990) est inscrit dans la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (Pope).


En 2012, en amont de la rédaction de la loi de transition énergétique, un grand débat national est engagé. La démarche est novatrice : la discussion ne porte pas sur une feuille de route déjà écrite, c’est du débat que doit émerger la définition des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs sont au nombre de deux : le Facteur 4, inscrit dans la loi Pope et la réduction de la part de l’énergie nucléaire à 50 % dans la production d’électricité, engagement de campagne du Président François Hollande. Démarrent alors près de huit mois de consultations, au cours desquels de nombreuses « images du futur » vont être produites, par les acteurs de l’énergie mais aussi par la société civile (associations, ONG...). Parmi ces travaux, seize scénarios, suffisamment robustes, viendront alimenter la synthèse du grand débat national. Ils mêlent des approches qualitatives et des modélisations quantitatives, qui visent à en attester la faisabilité.


Quatre familles de scénarios

Ces scénarios sont regroupés en quatre familles, qui identifient quatre trajectoires énergétiques possibles pour la France : sobriété, efficacité, diversité et décarbonation. S’ils respectent les deux objectifs fixés (à une exception près), leur structure et leurs implications économiques et sociales sont bien différentes. Deux éléments sont particulièrement discriminants : l’hypothèse de réduction de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 et le poids relatif de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables dans la production d’électricité.
Les trajectoires à dominante « sobriété » et « efficacité » supposent une réduction très importante de la consommation d’énergie. La première, portée par l’association négaWatt, s’appuie en priorité sur des changements massifs de comportements, tandis que la seconde, inspirée du scénario produit par l’Ademe privilégie des moyens technologiques. La trajectoire sobriété vise également une sortie de nucléaire à l’horizon 2050. Les trajectoires à dominante « diversité » (proche du scénario de l’Ancre ) et « décarbonation » (proche du scénario Negatep) sont beaucoup moins ambitieuses sur la réduction de la consommation et misent sur l’utilisation de sources d’énergie décarbonées, avec une diversification du mix électrique vers les énergies renouvelables pour la première, et le maintien d’une production électrique à 75 % nucléaire pour la seconde.


Une trajectoire, des modèles et des possibles

La loi de transition énergétique, adopté en 2015, ne fait pas référence directement à l’un ou à l’autre des scénarios. Elle inscrit une réduction forte de la consommation d’énergie, en identifiant les leviers de l’efficacité et de la sobriété, et maintient l’objectif de 50 % maximum d’énergie nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2025. La trajectoire n’est pas fixée pour autant, et ces objectifs sont réinterrogés en permanence par de nombreux acteurs de tous horizons, sous l’impulsion de l’avancée des connaissances scientifiques et des aspirations des citoyens. Les scénarios initiaux font l’objet de réactualisation, notamment par l’association négaWatt et l’Ademe. Au-delà de la question énergétique, c’est bien le modèle de société qui est questionné dans ces scénarios, avec pour pivot les besoins de consommation auxquels notre système énergétique doit répondre. S’ils ne tracent pas une feuille de route du système énergétique, qui ne peut être qu’itérative, ils alimentent les débats en proposant des images de futurs possibles.

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