Jusqu’en 1960, il existe peu de cartographies de risques en France, en dehors des grandes vallées alluviales. C’est une politique nationale axée sur la protection des zones exposées qui prévaut encore, dont les services RTM sont les meilleurs représentants dans les territoires de montagne. L’évolution des enjeux au cours des siècles se fait en fonction de la valeur économique des biens : le XXe siècle voit le glissement de la protection des zones agricoles vers la protection des zones urbanisées. Les territoires de montagne n’échappent pas à cette évolution, en particulier durant les trente glorieuses avec la périurbanisation galopante des pieds de versants et des coteaux ou l’essor du tourisme d’altitude.
La répétition de phénomènes catastrophiques dans les années 70 (Passy, Val d’Isère) amène l’État à structurer sa politique de prévention. Embryonnaire dans les années 70, elle se renforce dans les années 80 (Fonds d’indemnisation Catnat, PER) : si la politique axée sur la protection, et une certaine croyance dans la sécurité des ouvrages, sont toujours de mise, les mesures de prévention augmentent pour contraindre, limiter, voire interdire, l’urbanisation dans les zones les plus dangereuses. Les services RTM, à la demande de l’État, multiplient les cartographies de risques. L’Isère est à ce titre un département pilote et très en avance à la fin des années 80. Puis un basculement s’opère dans les années 90 au niveau national : la prévention l’emporte sur la protection. La loi relative au renforcement de la protection de l'environnement de 1995 (PPR) est une date cruciale en la matière : on ne doit plus considérer les ouvrages de protection dans la cartographie, leur prise en compte doit se faire au cas par cas et leur efficacité être démontrée.
Les années 2000 sont un tournant pour la prise en compte des risques : le nombre de Plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) explose durant la première décennie. On voit une défiance qui se systématise pour les ouvrages de protection : la faillibilité l’emporte sur la sécurité. L’accentuation des concepts de Mitigation et de Résilience est manifeste. Grâce notamment à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), et aux documents de planification qui en découlent (PLU, PLUi), les prescriptions pour s’adapter aux risques sont mieux formulées, prennent en compte les concepts d’ilots urbains, de projets collectifs, de bâti adapté, etc. Le Fonds Barnier du dispositif PPR permet en outre d’obtenir des financements pour les études de protection et les travaux de réduction de la vulnérabilité.
Localement, avec l’élaboration du PLUi grenoblois, de gros chantiers d’études de risque ont été menés à bien récemment, tant par l’État que par Grenoble-Alpes Métropole, pour affiner la connaissance du risque. Les documents, d’une grande précision, sont pensés pour un urbanisme résilient : si l’on considère la prise en compte du risque torrentiel (un des cœurs de métier des services RTM), les nouveaux projets urbains (immeubles, quartier, maison individuelle…) doivent s’adapter aux crues pour ne subir que des dommages limités si l’évènement survient et surtout, permettre une mise en sécurité des occupants et éviter l’évacuation pendant la crise. Mais les nombreuses expériences récentes en urbanisme opérationnel menées par le RTM Isère montrent les limites de la seule mitigation : des ouvrages de protection, bien dimensionnés, sécurisés et fiables, sont le complément obligatoire à la politique de prévention. La bonne résilience du territoire grenoblois - fortement urbanisé et soumis au risque torrentiel - passe par ce couplage, comme le montre l’exemple d’Eybens.
La loi Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), et la récente prise de compétence de la Métropole, sont une chance supplémentaire pour assurer une politique de prévention et de protection cohérente dans les années qui viennent.
vidéo : entretien avec Yannick Robert en savoir plus : les services RTM