Les cartes classiques sont très efficaces pour représenter les territoires mais semblent moins adaptées pour représenter le mouvement ou plus largement les flux. Pourtant la représentation des flux par la cartographie n’est pas chose nouvelle. Les cartographes ont, depuis longtemps, été amenés à représenter ces phénomènes. On peut citer plusieurs exemples emblématiques comme : la table de Peutinger, les « portulan » ou encore les cartes de Joseph Minard (1781-1870).
Les difficultés de représentation des flux ne résident pas dans l’appréhension d’un nouvel objet géographique mais dans la reconfiguration du contexte sociétal. En effet, l’un des changements majeurs de la société contemporaine est l’accroissement massif des mobilités et des échanges. Les mobilités sont de plus en plus importantes, diversifiées, multiscalaires et déhiérarchisées. Ainsi, si la cartographie classique est très opérante pour représenter les phénomènes territoriaux, elle l’est moins pour rendre compte de ces nouvelles dynamiques géographiques. Par ailleurs, les cartographes sont eux-mêmes confrontés à des changements dans leur propre univers. Ils doivent composer avec un contexte renouvelé par de nouveaux acteurs, de nouvelles données, de nouvelles capacités de calcul, de nouvelles opportunités graphiques ou encore, de nouvelles techniques de représentation notamment avec l’animation et l’interactivité.
Dans ce contexte renouvelé, les évolutions cartographiques depuis 10 à 20 ans ont été nombreuses mais ont davantage été intégrées à titre technique que sémiologique. Si les capacités de représentation se sont démultipliées, la cartographie, en tant que langage, n’a pas évolué au même rythme. Les énoncés de Jacques Bertin sont encore très présents, mais il est possible de soulever plusieurs pistes intéressantes pour renouveler les modes de représentation afin de mettre en mouvement la carte.
Une des pistes à explorer concerne la gestion visuelle des « traces ». La carte des vents en temps réel (Wind Map) aux États-Unis réalisée par Martin Wattemberg et Fernada Viégas en 2012, en est une très bonne illustration. Cette carte a été créée en version animée (http://hint.fm/wind/index.html) et en version statistique. Sur l’animation, plus le mouvement semble rapide, plus le vent qu’il représente l’est. Sur la carte fixe, le mouvement et la vitesse sont évoqués par un système graphique d’estompage et de transparence de la ligne ou du point. Il s’agit de conserver une trace du passé qui joue un rôle toujours actif dans le présent.