Qu’est-ce que la « résilience urbaine » ? Dans un premier temps, les étudiants se sont employés à définir le concept. D’un point de vue théorique, ils lui préféreront celui de « ville adaptable ». Si tous deux invitent à dépasser les processus classiques de conception urbaine, le second traduit mieux la capacité des territoires à anticiper, répondre et apprendre des situations de crise afin de diminuer leur vulnérabilité. Sur le plan opérationnel, ils retiendront de leur benchmark international trois postures de projet : intégrer le risque d’inondation comme un invariant de projet, ouvrir les territoires sur les paysages hydrauliques et penser l’eau comme une couture plutôt que comme une coupure.
En parallèle, les étudiant-e-s ont pu développer une analyse diachronique des territoires de l’eau à travers (1) la morphogenèse de la centralité nord-est ainsi que (2) l’examen systématique de l’évolution des valeurs paysagères qui leur seront accordées dès le XVIIIe siècle. Ce premier diagnostic montre que les débordements successifs et meurtriers de l’Isère (tout particulièrement les crues de 1740 et de 1859) conduiront progressivement les édiles locaux à domestiquer la rivière. En matière d’urbanisme, cela se traduira par une succession d’aménagements techniques d’ordre défensif et sécuritaire, dont la digue est certainement le dispositif le plus symbolique. Tout au long de la période étudiée, les ingénieurs s’efforcent de contraindre les variations naturelles de l’Isère pour mieux figer ses paysages dans un état à la fois stable (régulation du risque) et productif (l’eau canalisée devenant une ressource pour l’agropastoralisme et le développement industriel). Cette culture technique du risque et de la gestion des cours d’eau aura pour contrepartie urbanistique une progressive mise à distance de leur tracé et, plus généralement, de la structure hydrographique du nord-est grenoblois rompant ainsi avec la continuité des infrastructures (vertes ou bleues) propres aux territoires d’une ville alpine.
Cette première exploration permettra aux étudiants de qualifier les rapports paradoxaux entre les espaces urbains grenoblois et leurs fronts d’eau, caractérisés par (1) une « amnésie environnementale » symptomatique d’une croissance urbaine essentiellement marquée par la modernité ; (2) l’inadaptation des tissus urbains aux caractéristiques hydrographiques d’une « métropole montagne » ; (3) l’application d’un certain nombre de dispositifs réglementaires ne prenant pas suffisamment en compte le cycle de l’eau (notamment à travers son ruissellement le long de la pente) et son impact systémique sur le territoire ; (4) le manque d’urbanité accordée aux interfaces spatiales ville/fronts d’eau.
Sur cette base, les étudiants se sont attelés à dessiner plusieurs projets urbains déclinant un certain nombre de grands principes susceptibles de nourrir les débats sur ce que pourrait être une métropole résiliente :
- Le caractère multiscalaire des projets portant sur les territoires hydrauliques, tant il est vrai que l’eau, suivant des logiques gravitaires, rend solidaires des secteurs diversifiés par leur nature (urbains, périurbains et ruraux) ainsi que leur topographie (les territoires de la pente et ceux de la plaine cf. « Projet Meylan »).
- La nécessité de rendre aux tracés de la rivière leur élasticité, et d’envisager les fronts d’eau dans toute leur épaisseur et la diversité de leurs usages. La réflexion sur un parc métropolitain (du parc Paul Mistral jusqu’au Bois Français, en incluant boucles et méandres), encouragerait la mise en place et la valorisation d’activités multiples (agriculture, récréation, plages urbaines, habitat résilient, laboratoire écologique, etc.) et la création d’un véritable foyer de fraîcheur pour la population locale (cf. « Projet Parc métropolitain »).
- Le dépassement d’un traitement exclusivement technique du front d’eau grenoblois, à travers l’imbrication de dispositifs innovants de régulation des inondations et de formes urbaines renouvelées (cf. « Projet Entrée Sablons »).