Parmi les cas d’étude traités, la transformation du secteur « prioritaire » Alpes-Mail Cachin (Fontaine) constitue certainement l’un des exemples les plus paradigmatiques. Le quartier présente toutes les caractéristiques d’une plaine inondable progressivement urbanisée au cours des XIXème et XXème siècles. À mesure que s’endigue le Drac et que s’industrialise l’ouest grenoblois, le mouvement d’urbanisation s’organise par poches successives et diffuses, (1) d’Est en Ouest d’abord (depuis les axes qui prolongent les ponts enjambant le Drac jusqu’au piedmont du Vercors auquel s’agrippe le bourg ancestral de la Poya), (2) de Sud en Nord ensuite (de part et d’autre de l’avenue Ambroise Croizat qui relie Grenoble à la cluse de Voreppe). De la plaine agricole, il ne reste que les tracés des cours d’eau aujourd’hui enterrés et busés, un maillage lâche constitué de vastes îlots bornés par d’anciens chemins agricoles devenus des axes secondaires et une infrastructure verte abondante, héritière du parcellaire agricole d’autrefois – des traces d’activités maraîchères, de prairies et de fauches, même que des jardins ouvriers sont encore visibles – mais néanmoins fragmentées et déstructurées.
Les formes urbaines, quant à elles, brillent par leur hétérogénéité et leur difficile dialogue : au sud de la rue Charles Michels, l’on retrouve les lotissements pavillonnaires des années 1930, leur voirie de desserte et leurs impasses ; au Nord, de part et d’autre de la boucle du Mail Cachin, un semis de barres et de tours typique de l’urbanisme des années 1960s, une abondance d’espaces végétalisés faiblement qualifiés, peu appropriables et difficilement lisibles. À l’écart des axes structurants, le quartier apparaît d’autant plus enclavé qu’il est mis à distance des dynamiques de renouvellement urbain qui l’entourent (projet « Portes du Vercors », Écoquartier Bastille) alors même que les équipements y sont nombreux, variés et attractifs (écoles, marché, EPHAD, boulodrome etc.).
Au regard des problématiques d’inondation, les fragilités urbanistiques recensées s’avèrent fondatrices d’un renouvellement urbain potentiellement résilient : penser la ville avec l’eau oblige en effet à considérer son cheminement en cas de crue de nappe, de rupture de digue mais également, son ruissellement à l’occasion d’épisodes pluvieux abondants. Le caractère dispersé de l’urbanisation, la forte couverture végétale et la diversité des activités qui s’agglomèrent en cœur de quartier constituent la trame à partir de laquelle les scénarios de projet vont se tisser.
En synthèse :
- Une première volonté s’affiche : maintenir la porosité des sols tout en rendant le quartier plus perméable à l’eau certes, mais également aux flux de mobilité, plus particulièrement piétons. Leurs dessins sont liés et tracent un axe Est-Ouest que la mise en continuité visuelle du parcours de l’eau souligne. Le nouveau réseau hydraulique (constitué d’espace de récupération, de stockage et de cheminement) se double ainsi d’une ossature lisible et d’un réseau d’espace public passant, susceptible de désenclaver ce morceau de ville.
- Une seconde consiste à (re)distribuer de part et d’autre de cet axe (qui emprunte partiellement le Mail Cachin), logements, équipements, marché, tout en adossant des typologies architecturales résilientes (bâtiments sur pilotis, surélévation, tour refuge, etc.) au développement d’une nouvelle grammaire d’espaces publics adaptables au regard de leurs usages et capables d’accueillir l’eau en cas d’inondation : water square, noue paysagère, jardins de pluie, etc.